Artikel van Emilie Arnould, verschenen in La Cité van 22-11-1984

   

La JOC et la Résistance (La Cité 22-11-1984)
En marge de l'émission "Ordre Nouveau" (Télé 2, ce jeudi)

Autres articles : « Les Chrétiens dans la Résistance» - «L'Eglise et le génocide juif».

Après avoir traité de l'attitude des chrétiens durant la guerre (1), l'auteur aborde ici la question de l'attitude de la JOC dans la Résistance.

« L'éminente dignité de la personne humaine face à un Etat tout-puissant, oppresseur et totalitaire » était une idée sous-jacente à toutes nos préoccupations... La réponse de Cardijn au nazisme, reflétée dans sa brochure La Jeunesse face aux temps nouveaux publiée en pleine guerre (1942) était notre cathéchisme de guerre. Ces idées étaient colportées aux quatre coins de la Wallonie , de Herbesthal à Comines, par quelque 40 dirigeants nationaux et régionaux de la JOC et de la JOCF. A aucun moment, l'action ne s'est relâchée, encore qu'elle fut parfois à demi-clandestine.

Quant à la Résistance proprement dite, elle commença très tôt. A Liège, avant le 1ere juin 1940, sept dirigeants et aumôniers de la JOC et des organisations ouvrières mettent au point leur entreprise de résistance. L'engagement est poussé si loin qu'en été 1942 l 'abbé Firquet (JOC de Huy) est fusillé ainsi que Nicolas Doyen, syndicaliste chrétien. Jean Nysthoven, syndicaliste lui aussi, est envoyé en camp d'extermination en Allemagne, dont il ne reviendra que pour mourir. Guillaume Sauvage, dirigeant jociste, doit se cacher de longs mois dans le grenier de la famille Braham à Jupille : il est recherché par la Gesta po. Quant au chanoine Gielen, aujourd'huï vicaire général à l'évèché de Liège, il était alors aumônier de la JOC et des œuvres sociales II fut fait prisonnier et enfermé au camp de Vught en Hollande.

Dès mars 1942, une ordonnance de l'occupant oblige tous les jeunes de 18 à 35 ans à partir travailler en Allemagne. La JOCF lance une circulaire portée de la main à la main par les dirigeantes nationales et régionales qui les remettent à des travailleuses ou à des résistants. Le texte dit carrément : ... On ne part pas, sous aucun prétexte. On ajoute verbalement :- « Nous avons de quoi vous loger, vous donner d'autres cartes d'identité, des timbres de ravitaillernent », etc.

Jusqu'au seuil des Werbestellen (bureaux allemands d'embauche), les dirigeantes JOCF vont détourner les jeunes filles de partir. A Bruxelles, Lucie Bragard et Nelly Verbeke s'y emploient. Nelly Verbeke est arrêtée et fait trois mois de prison. à Mons, c'est Germaine Bondart. A Liège, ce sont Rosa Hakin, Claire Courtois et Jeanne Doyen. Celle-ci est arrêtée par les Allemands mais relâchée peu après.

A partir d'octobre 1942, les quatre équipes nationales JOC-JOCF, KAJ-VKAJ portent, très souvent à leurs risques et périls, de fausses cartes d'identité dans leur serviette. Elles sont destinées aux réfractaires au travail en Allemagne. On a sauvé ainsi des centaines et centaines de jeunes travailleurs.

La Centrale jociste (nationale) était deve nue une vaste fourmilière de la Résistance , bien qu'elle fut partiellement occupée par les Allemands. Ses activités, entre autres :
- dépôt de cartes d'identité apparemment très authentiques mais vierges ;
- service aux travailleurs à l'étranger ;
- accueil de prisonniers évadés, de réfractaires ;
- service aux prisonniers en Allemagne ;
- service de cures pour anémiés.

Ces cures à la campagne cachaient aussi des réfractaires et des juifs.

Une série de collaborateurs nous aident, tels Robert Hertogen (KAJ), l'abbé Vander Goten, le Père Capart SJ, le Père Vincent. Ce dernier transportait les réfractaires en Ardenne dans des camions de la station Tour et Taxis.

Mais on en fit tant que les Allemands s'en mêlèrent. Ils arrêtèrent le chanoine Cardijn et son adjoint flamand l'abbé Magnus ainsi que Jef Deschuyffeleer, président flamand et Victor Michel, président de la JOC wallonne. Avec l'abbé van Oostveld, aumônier de la KAJ de Louvain, ils demeurent quelque 4 mois à la prison de Saint-Gilles (Bruxelles). En juillet 1944, une dizaine de responsables de la Centrale jociste partent aussi en prison à Saint-Gilles. Parmi eux, les frères Meert.

En 1943, le futur ministre Raymond Scheyven est chargé, par notre gouvernement de Londres, de répartir des fonds aux réfractaires et aux résistants. « Ce service s'appellera Socrate ».

Henri Pauwels, président de la CSC qui s'est dissoute et est entrée dans la clandestinité, est désigné avec Jef Deschuyffeleer pour faire partie du comité « Socrate ». Victor Michel est chargé de distribuer les fonds dans une grande partie de la Wallonie. Nos 17 aumôniers régionaux ont des responsabilités dans ce réseau et répartissent les fonds à la base.

Dans les régions, les dirigeants jocistes et aumôniers prenaient parfois des risques graves : sabotage, diffusion de la presse clandestine, renseignements aux alliés à Londres, accueil de parachutistes. Certains de ces dirigeants et aumôniers furent arrêtés et envoyés en camp d'extermination en Allemagne.

En octobre 1944, nous avons au moins 29 dirigeants jocistes et aumôniers en camps de concentration : 21 n'en revinrent pas. Sur ces 21, on compte les 2 fondateurs laïcs de la JOC , Fernand Tonnet et Paul Garcet, 3 aumôniers flamands : l'abbé Lemmens, de Diepenbeek, Vincent Mercier, de Putte (Anvers), atrocement battu par les SS et l'abbé Rhodain de Malines, aumônier à Lubbeek (Leuven).

Sur les 21 encore, 11 étaient aumôniers wallons de la JOC. J'en citerai trois: l'abbé Paul Lefebvre de Mons, l'abbé Arthur Georges de Namur et le chanoine François Questiaux, professeur au Grand séminaire de Namur qui, lui, est décédé à Dachau le 24 décembre 1944. Neuf laïcs dirigeants jocistes wallons ont laissé leur vie là-bas, après d'atroces souffrances: quatre étaient des Borains. Je ne cite que ceux dont je suis certaine, il y en a tant d'autres...

Le cas de Marcel Antoine, de Farciennes, est à épingler. Mort à 20 ans, ce jociste de premier plan était courageux et joyeux, de l'avis de ses compagnons de maquis non chrétiens. Nommé chef du ravitaillement, il ne manquait jamais sa messe. Et ses derniers moments à l'hôpital de Bochum (Allemagne) furent empreints d'une foi paisible, raconte l'aumônier qui l'assista, émerveillé.

Il faudrait encore dire tout ce qu'ont fait les adultes si proches de nous, dans la Ligue des Travailleurs chrétiens (MOC). Oscar Behogne, secrétaire de la Ligue , passa deux ans au camp de Neuengamme (Hambourg) pour faits de résistance. Il en revint. Georges Theys, ouvrier à l'arsenal de Luttre, fondateur du Syndicat chrétien à Luttre, fit du sabotage et assura un service de renseignements par Londres. Arrêté, il subit les tortures du sinistre camp de Breendonck. Il fut ensuite exécuté. Arthur Hoyas, délégué de la CSC aux Laminoirs de La Croyère ( La Louvière ), était membre du Mouvement national belge. Arrêté, il mourut au camp de Mauthausen en janvier 1945.

Emilie ARNOULD.

(1) Voir  «La Cité » du 21 novembre. Rappelons que l'émission consacrée à l'Ordre Nouveau (RTBF 2, ce jeudi, à 20 heures) est consacrée à l'Eglise durant la guerre.