Artikel van Emilie Arnould, verschenen in La Cité van 21-11-1984

   

Les chrétiens dans la Résistance (La Cité 21-11-1984)
Jeudi à Télé 2 dans "L'Ordre Nouveau"

Autres articles : « La JOC et la Ré sistance» - «L'Eglise et le génocide juif».

Ce jeudi, l'émission l'Ordre nouveau traitera de l'Eglise et de la Résistance.

Pour résister, les chrétiens s'y sont pris très tôt. Avant le 10 mai 1940, Camille Joset. journaliste chrétien, pose les premiers jalons, d'une résistance qui partirait du Grand-Duché pour arriver au coeur de la Belgique. Après son arrestation par les Allemands, c'est son fils Jésuite, Jean-Camille Joset qui reprendra le réseau avec Fernand Demany, socialiste.

Au même moment, celui qu'on appelle le géant de la Résistance , Walter Dewé, chrétien lui aussi, mettait en route un service de renseignements pour Londres auquel il donne le nom de Clarence-Cleveland. Nous y retrouverons beaucoup de chrétiens, dont deux femmes, Elisabeth Plissart, morte martyre au camp de Ravensbruck et sa sœur Jeanne, décédée d'une pneumonie non soignée à la prison de Cologne.

Au fur et à mesure que se mettent en place les différents réseaux de résistance, prêtres et laïcs en font partie. Les chrétiens étaient majoritaires dans l'Armée secrète. Ils y avaient un aumônier général l'abbé Dessain et une série d'aumôniers divisionnaires qui devinrent souvent des aumôniers du maquis. Je songe au Père Leloir PB, rescapé de Dachau. Je songe aussi au Père Lange S.J. et à l'abbé Coméliau morts atrocement avec 150 maquisards dans la région de Pépinster-Theux aux prises avec des Allemands surarmés. Beaucoup furent liés avec des fils de fer barbelés et brûlés vifs (1944).

On trouvait un bon nombre de chrétiens dans le Mouvement national belge. Joseph Fafchamps (BIT) et le futur ministre Léon Servais en étaient. On en trouvait aussi d'ans le «Groupe G» et même au Front de l'Indépendance où les communistes étaient majoritaires. A cette époque, tous les résistants n'avaient qu'un but : lutter contre un régime intolérable.

Trois noms de chrétiens me reviennent en mémoire qui furent des membres actifs du FI. : l'abbé Boland de Liège, l'abbé Kannaerts d'Anvers et Marcel Antoine, militant jociste de Farciennes. Kannaerts, arrêté par la Gestapo, est cruellement battu comme «grand communiste». Il meurt au camp d'extermination de Gross-Rosen en février 1945. Quant à Marcel Antoine, il fut expédié par les SS à la forteresse de Bochum. Il y mourut très vite. Il avait tout juste 20 ans!

Que font tous ces résistants ?   .

Ils diffusent la presse clandestine qui remonte le moral des Belges, informe des défaites allemandes (Stalingrad, Normandie) et des victoires alliées. En juillet 44, il y avait, en Belgique 450 journaux clandestins.

Ils accueillent les prisonniers évadés, les parachutistes, hébergent les juifs, les réfractaires au travail. Ils fournissent de fausses cartes d'identité à ceux que traquaient les Allemands. Bref, ils prenaient de très gros risques. Des milliers furent envoyés en Allemagne et beaucoup n'en revinrent jamais.

En juillet 1943, environ 550 prêtres et religieux sont aux mains des Allemands. Trois au moins étaient déjà décédés en camp d'extermination à cette époque, entre autre le Père Magnée S.J. (mort le 9 juin 1942 à Dachau) pour avoir osé réprimander un élève du Collège de Charleroi qui faisait de la propagande rexiste. Ce qui prouve les liens très étroits qui unissaient Rex à la Gestapo.

Après juillet 43, des centaines de prêtres et laïcs furent arrêtés en nombre beaucoup plus élevé. Parmi ces derniers, 40 prêtres expédiés dans les camps de la mort n'en reviendront pas. D'autres en réchappèrent, dont l'abbé Froidure, l'abbé Collard (Chimay), l'abbé Josse Alzin (Namur). Ce dernier a écrit un livre émouvant intitulé Martyrologe. Il y retrace la biographie et le calvaire atroce de 74 prêtres belges dont 18 Flamands: fusillés, décapités à la hache, morts de faim, de froid, de vermine, de dysenterie ou de typhus et parfois même, de phlegmons volontairement , injectés par les tortionnaires nazis.

Un survol des diocèses

- A  Namur,  Mgr Charue excommunie Léon Degrelle en août 1943. C 'est ce même diocèse qui, proportionnellement, paiera le plus lourd tribut à la Résistance. Il comptera 24 prêtres parmi ses morts. Un certain nombre de curés avaient transformés leur presbytère en centre d'hébergement pour ceux que recherchaient les Allemands. Les curés de Heer (abbé Leplat) et de Agimont (abbé G. Lefèvre) convoyaient régulièrement de nuit, au-delà de la frontière française, les prisonniers évadés et tous ceux qui voulaient rejoindre Londres. Tous deux, dénoncés, le payèrent de leur vie ainsi que Dom Jules Harmel, Prieur de Maredsous et frère du ministre. Dom Jules fut abattu par les SS, près de Buchenwald en avril 1945.

Quant au chanoine Pierlot, frère du Premier ministre à Londres, il fut le premier prêtre belge arrêté par les Allemands déjà en 1941. Il mourut d'épuisement au pays des Sudètes assisté d'un confrère enchaîné comme lui. Tout son groupe de résistants, avec le colonel Daumerie en tète, fut fusillé à Berlin.

Pour le diocèse de Tournai je m'attarde­rai surtout au témoignage des laïcs.

Au strict minimum, 25 laïcs sont morts, de mort violente, du fait des nazis ou des rexistes. Tous pour faits de résistance. Depuis un fermier de Boussu, Joseph Tamigniau fusillé à Mons, jusqu'au Bâtonnier du Barreau de Charleroi, Constant Renchon et Edmond Thiéffry, ingénieur, morts en camp de concentration jusqu'à Camille Mogenet (Binche) en passant par le Docteur Hubert Dubois (Sil-ly) fusillé à Bourg-Léopold pour avoir soigné un parachutiste, tous sont morts pour un idéal de justice et de liberté. Mogenet fut fu sillé au Tir national. C. Mogenet avec deux amis, également fusillés étaient en route pour rejoindre les alliés quand les Allemands les arrêteront.

Il faudrait citer encore les noms de huit jeunes au moins, membre des Patros ou scouts, ou étudiants à Liège ou à Louvain, et les noms de jeunes époux faisant leurs derniers adieux à leur épouse. Tous furent fusillés à l'aube de leur vie.

En Hainaut, une femme fut assassinée par les rexistes : c'est Francine Morrisseaux de Farciennes. Elle avait 25 ans. Le chanoine Harmignies, doyen de Charleroi fut lui aussi sauvagement assassiné par des rexistes qui le criblèrent de balles dans la nuque et au visage et finalement le jetèrent dans un fossé.

Pour le diocèse de Tournai, 144 prêtres et religieux furent arrêtés par les nazis.

- Au diocèse de Liège, 120 prêtres sur 1.100 furent arrêtés, dont 20 sont décédés de mort violente. A Liège, on ne peut taire l'héroïsme de trois prêtres :

- l'abbé Arnolds de Montzen (frontière allemande) qui a sauvé et hébergé des centaines de prisonniers évadés.
- A Malmédy, l'abbé Peters qui conseillait aux jeunes gens de déserter alors qu'ils étaient embrigadés de force dans les armées du 3° Reich. Tous deux furent décapités à la hache à Berlin.
- Quant à l'abbé Rixhon, curé à St-Christophe, il mourut au camp de Bochum. Flagellé jusqu'au sang par les SS, son procès fut celui des évêques. Il avait lu en chaire de vérité, la lettre des évêques contre les déportations des ouvriers. Il y avait ajouté certains commentaires. La Gestapo ne lui pardonna pas.

- Au diocèse de Malines, 15 prêtres sont morts en camp de concentration :

- l'abbé Davignon mourut dans un linceuil de neige en wagon à bestiaux découvert par moins 10° sous zéro en février 45;

- l'abbé Maurice De Backer (Bruxelles) meurt dans les chambres à gaz en arrivant à Dachau le 29 février 42. C 'était un aumônier delà JICF;
- l'abbé Heymans (Laeken) fut atrocement maltraité par les Allemands avant de mourir martyr à Flossemburg;
- ainsi que le vicaire Geuns (Lierre) qui  mourut à Northausen le 11-4-44. Quand il y arriva, le camp comptait 3.000 bagnards. En avril 1945, il n'en restait plus que 500. Les autres étaient morts de misère.
- Des religieux de tous les diocèses furent aussi arrêtés au nombre de 139 dont 16 bénédictins et 21 jésuites. Dix-neuf jésuites sont morts pour faits de guerre.

Les nazis en voulaient particulièrement aux prêtres parce qu'ils sentaient en eux une opposition radicale aux principes de base du national-socialiste, fondamentalement totalitaire et viscéralement raciste.

Il y avait d'ailleurs deux grands prédicateurs qui parcouraient sans cesse le pays pour dénoncer l'extrême nocivité du national-socialisme. C'étaient le chanoine Dermine de Tournai et le Père De Coninck S.J. Celui-ci connaîtra les camps, mais il en revient vivant.

Il faut enfin rappeler le langage extrêmement ferme du cardinal van Roey écrivant très souvent au général von Falkenhausen, pour protester contre les mille vexations contraire au Droit international et aux Conventions de La Haye. La plupart de ses lettres furent pensées avec les évèques et les plus importantes sont signées de tous les évêques.

En conclusion, il est clair que l'Eglise n'a pas flirté avec l'Ordre nouveau. Je dirai plutôt qu'elle s'est mariée avec la Résistance et que celle-ci a engendré de nombreux martyrs pour les Droits de l'homme et de l'Eglise.

Emilie ARNOULD.

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